Qui fait le malin tombe dans le ravin

Que fais-tu pour le Carnaval ?

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Le 5 mars, dès 15h30, Charleroi vibrera au rythme du Carnaval. Au programme de cette journée festive ? S’amuser, se déguiser et frapper le pavé en compagnie des sociétés de Gilles, des Géants et des différents groupes qui composent le cortège folklorique. Parmi lesquels la Grande Parade Citoyenne emmenée par l’Eden et ses partenaires. Et vous ? Et vous !

Une parade engagée 

« La Grande Parade du Carnaval de Charleroi , c’est un projet militant que mène le Centre Culturel, depuis 2016, dans l’optique de faire ville tou.te.s ensemble. Avec les Carolos qui préparent le Carnaval et défilent le jour J. Avec les Carolos qui suivent le cortège au détour des places, rues et ruelles de la cité », précise Fabrice Laurent, directeur de l’Eden. « À travers cette parade, nous œuvrons à la redynamisation du folklore du Pays Noir et surtout, nous défendons une vision utopique de notre société. Nous affirmons que tout le monde peut y trouver une place, quelles que soient ses capacités intellectuelles ou physiques, ses origines socio-culturelles, ses ressources créatives ou financières… Les déguisements, gris-gris et autres décors carnavalesques sont créés à partir de matériaux upcyclés. Afin de polluer le moins possible, notre parade est composée de chars non motorisés. Quant à la musique, elle est exclusivement produite par des fanfares ».

Le monde à l’envers

Si le Centre Culturel de Charleroi met tant d’enthousiasme, d’énergie et de moyens dans le Carnaval, et cherche à mobiliser autour de ce temps fort autant de partenaires associatifs – une trentaine de groupes prennent part à la Grande Parade  –, c’est avant tout parce que cette tradition met en lien les citoyen.ne.s. Elle leur permet de se réapproprier l’espace public en l’investissant de façon positive. Elle les rassemble autour d’histoires qui évoluent d’année en année et (re)créent un imaginaire collectif, le ciment d’une ville inclusive. Elle les fédère autour d’une fête urbaine et populaire, durant laquelle, grâce aux divers masques et costumes, chacun.e peut s’affranchir des règles et contraintes du quotidien, renverser les rôles, inverser les genres, transgresser les codes et décompresser ensemble.

 

Imaginer son identité

Comme le souligne Karel Vanhaesebrouck, spécialiste du spectacle vivant, « Le carnavalesque, c’est ce mécanisme de détournement durant lequel on se moque du sérieux, on amène l’imagination au-delà du quotidien. Avec humour, on cherche à montrer que ce que l’on considère normal ne l’est peut-être pas. C’est une zone d’expérimentation et de transgression dans laquelle tous les rapports sociaux et de pouvoir sont inversés. Le bouffon peut se revendiquer de l’espace public pour enfin dire « la » vérité… Grâce à ce mode d’inversion, une communauté peut dépasser ses propres frontières et, en se mettant en spectacle elle-même, imaginer sa propre identité ».

Temps Danses Urbaines @Carnaval de Charleroi

Au revoir, les Idées Noires

À l’instar d’un autre temps fort de l’Eden, le Grand Bal Blanc, le Carnaval de Charleroi marque le passage entre les saisons et observe une série de rituels pour appeler au retour des beaux jours. Notamment, la Grande Récolte des Idées Noires… Depuis début février, peut-être avez-vous remarqué, à l’Eden et chez certains de ses partenaires carnavalesques, de grands sacs en jute décorés d’un corbeau ? Ceux-ci sont conçus pour recueillir les Idées Noires des Carolos, à savoir les maux qui les minent, les consument, plongent leur humeur dans un hiver sibérien… La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de s’en débarrasser. Pour ce faire, il suffit de les écrire/griffonner sur des bouts de papier ou les cartons de bière prévus à cet effet. Puis, de les glisser anonymement dans l’un des sacs prévus à cet effet. Ou de les confier, le jour du Mardi Gras, aux Brèyauds chargés de récolter les Idées Noires durant la Grande Parade. Elles seront ensuite brûlées, en fin de Carnaval, histoire de faire table rase du passé et place au renouveau.

Él Bwèsse à Tèyâte @Carnaval de Charleroi

Le procès du Corbeau

« Évidemment, pour que la magie noire opère et que toutes les Idées Noires partent en fumée, il faut être présent.e durant tout le cérémonial », sourit Fabrice Laurent. Le Carnaval de Charleroi, en effet, ce n’est pas seulement un cortège qui déambule au cœur de la ville haute, c’est aussi un rondeau, place du Manège, à 19 heures, suivi par le jugement du corbeau à 19h30. Conçu par l’artiste Loeïz Le Guillerm et fabriqué lors de la Grande Fabrique du Carnaval avec l’aide de nombreuses personnes, ce bonhomme hiver cristallise pour les Carolos ce passage symbolique de l’hiver au printemps. Son apparence, comme souvent, est à la fois une histoire de hasard, de coïncidences, mais aussi de sens…

L’apothéose finale

Brûlage du corbeau @Carnaval de Charleroi

« Tout part d’une boutade », se souvient Fabrice Laurent. « Un jour, un Gille s’est moqué des membres du Comité du Carnaval qui s’habillent en noir en les traitant de corbeau ». Il n’en fallait pas plus pour que les idées volent… Le corbeau, c’est un animal mythique, à la robe noire charbon, présent dans nos régions. L’anthropologue Claude Lévi-Strauss en parle comme d’un « médiateur entre la vie et la mort ». Dans les contes et légendes, la symbolique autour du corbeau renvoie généralement à l’idée de messager – ne traite-t-on pas de « corbeaux » les expéditeurs de lettres anonymes de dénonciation et autres maîtres-chanteurs ? –, voire d’oiseau de mauvais augure. Associé à la mort, au mal, aux ténèbres, cet animal rusé serait source de mauvais présages. « C’est pourquoi on va lui faire sa fête à ce corbeau », se réjouit le comédien, auteur et metteur en scène, Victor Gravy, qui participe avec la troupe d’Él Bwèsse à Tèyâte à la Grande Parade. « Il va connaître un procès en bonne et due forme, dont l’issue sera l’apothéose des festivités carnavalesques. »

Un final à ne surtout pas manquer, dès lors ! Venez en nombre car c’est bien connu, plus on est de fous, plus on rit…